mercredi 5 mars 2008

Le Déchu, épisode 4

De la colère toujours. Et maintenant, qui plus est, de la douleur. Ne peut-on pas mourir de façon horrible sans souffrir ? Il avait envie de tuer. Encore. Toujours. Il lui fallait reprendre ses esprits. Il tournait, tournait encore autour de la Terre. S'arrêta brusquement. Il fallait qu'il se calme. Une ville.

Pourquoi fallait-il, malgré tout le mépris et la répugnance qu'il pouvait éprouver vis-à-vis de cette espèce, qu'il emprunte si régulièrement un corps humain ? Mais au moins, sous cette enveloppe, il pouvait faire fi de la majorité des sentiments éprouvés. Il pouvait réfléchir et agir sans se référer sans cesse aux instincts animaux de son hôte. Et puis, après tout, il les aimait. Les enviait. Ils n'avaient aucune conscience des forces supérieures qui s'imposaient à eux. Ils pensaient, ils vivaient, en tant qu'espèce la plus intelligente à leur connaissance. Ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient — la science et la technologie, même aussi primitives que la leur, au vu de leur compréhension fort limitée de certains principes théoriques fondamentaux, laissait le champ libre à la réalisation de toutes leurs envies, leurs folies. Aucune autre espèce ne pouvait s'opposer à eux. Ils décidaient de la vie et de la mort des autres. Pouvaient tuer d'un simple geste. Mais aussi parfois garder en vie pour « étudier ». Il les haïssait. Tout cela lui rappelait ce qu'il avait vécu, avant. Il avait envie de tous les tuer. Cette envie était chronique. Bien sûr, sur le plan individuel, il trouvait des raisons de sauver chaque personne, mais sur le plan collectif... C'est d'ailleurs pour ça qu'il ne tuait jamais une seule personne. Lors de ses précédentes prises de conscience, il n'avait jamais tué moins de dix mille personnes à la fois. Mais ensuite, toujours, il se calmait. Regardait le désespoir dans quelques paires d'yeux, s'attendrissait devant leur méprisante impuissance et leur abject attachement aux êtres et aux choses, et finalement abandonnait. Mais peut-être aurait-il plus de courage cette fois-ci...

Il tournait, encore et toujours, laissant ses yeux se poser furtivement sur chaque élément du décor voulant bien se présenter à lui. Puis, subitement, il s'arrêta. Il venait enfin de voir un endroit convenable pour ses affaires.

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